
Au hasard d’une recherche, je suis retombée tout récemment sur un de ces panneaux qui indiquent le temps de dégradation des différents matériaux que nous utilisons dans la vie de tous les jours. Trognons de pomme, mouchoirs en papier, mégots de cigarette, chewing-gum, boîtes de conserve, sacs en plastique peuvent ainsi mettre jusqu’à 500 ans à se décomposer. Toutefois, parmi les déchets les plus résistants, le verre l’emporte largement puisqu’il faut parfois jusqu’à 5000 ans pour qu’il se dégrade. 5000 ans … une durée de vie à peu près égale à son âge actuel!
Car bien que nous ne connaissions pas la date exacte de son invention – on sait qu’à l’âge de pierre déjà, les hommes utilisaient de l’obsidienne, un verre naturel d’origine éruptive, pour la fabrication de leurs outils -, le travail du verre est largement attesté dès l’Antiquité en Mésopotamie, puis en Egypte, avant de s’étendre à tout le bassin méditerranéen. D’abord considérée comme un savoir-faire rare et onéreux, la fabrication du verre est aujourd’hui devenue une véritable industrie. Le verre est d’ailleurs si bien intégré à nos vies qu’on en oublie sa présence; il est un élément essentiel de nos demeures, de nos véhicules, de tout ce qui nous entoure.
L’artisan qui durant l’Antiquité produisait des objets en verre a-t-il saisi la portée de son geste? Aurait-il pu imaginer que ce mélange si singulier – à la fois si simple, parce que directement inspiré par la nature, et si complexe, puisque le travail du verre requiert une précision extraordinaire -, ouvrirait la porte aux milliers d’objets de toute sorte réalisés en verre à travers les âges? Le verrier grec ou romain se doutait-il seulement que le matériau qu’il tenait entre ses mains servirait un jour à la fabrication de lentilles de vue, de verres de montres ou même de hublots d’avions?
On aimerait le croire, même si c’est peu probable. Car il en est du verre comme de toutes les grandes inventions: elles naissent, souvent un peu par miracle, puis elles échappent à leur créateur, elles évoluent, elles grandissent jusqu’à devenir un marqueur dans le temps, une façon de mesurer l’histoire, une manière d’observer le monde à travers un prisme grossissant.
A notre époque placée sous le règne de l’obsolescence programmée, on a du mal à imaginer que les matériaux ou objets que nous créons, tout comme les bâtiments que nous construisons, puissent durer à ce point et nous survivre si longtemps. Mais là aussi, peut-être nous trompons-nous … et les générations futures auront-elles la chance de découvrir de très nombreux vestiges de notre civilisation, avec le même engouement et la même passion qui nous anime dans l’étude des objets de notre passé.
A cette question, cependant, nul ne peut répondre…à moins d’être muni d’une boule de cristal de verre!
Martine Bouilloux