
Comme l’explique l’archéologue et historien R. Turcan dans son étude à peine parue sur la perception du passé pendant l’Antiquité classique (romaine en particulier)*, le souci de connaître ce qui a été est un sentiment déjà bien présent dans les sociétés antiques, surtout lors de périodes de crise ou d’époques perçues par les contemporains comme moments-charnière entre deux époques.
Utilisé déjà par certains écrivains classiques pour indiquer l’histoire des origines, le terme « archéologie » (áñ÷áéïëïãéá) a aujourd’hui une signification plus précise qui en fait la discipline des objets plutôt que des textes et qui essaie de reconstruire le passé en partant des vestiges matériels qu’une société disparue a laissés.
Devenue science à part mais toujours en étroite relation avec l’histoire et avec la conception du passé, l’archéologie se pratique actuellement à travers des fouilles sur le terrain mais également en étudiant et en réélaborant les objets (bijoux, céramiques, sculptures, fresques, etc.) conservés dans les musées appartenant aux institutions publiques ou abrités dans les collections privées.
L’idée de « fouille archéologique » était présente dans l’Antiquité, mais jamais sous forme d’activité organisée dans un but scientifique : on cherchait, par exemple, les traces d’une ancienne occupation pour justifier une prétention territoriale ou la tombe d’un héros pour prouver l’antiquité d’un sanctuaire ou l’origine autochtone d’un peuple ; on pratiquait également les fouilles simplement pour chercher et recycler les richesses enfouies…
De même l’idée moderne de musée conçu comme lieu pour conserver et montrer les vestiges antiques était inconnue des Grecs et des Romains. Il existait pourtant nombre d’endroits ou institutions où les visiteurs pouvaient admirer une grande quantité d’objets que nous définissons aujourd’hui des œuvres d’art. On pense aux portiques qui se présentaient parfois comme une sorte de musée en plein air, aux façades de bâtiments publics (théâtres, bibliothèques, thermes, etc.) et surtout aux grands sanctuaires.
Un peu comme dans de nombreuses cathédrales et basiliques de la chrétienté (qui à l’intérieur–même de leurs enceintes abritent souvent un musée avec des objets précieux ou remarquables), on trouvait dans les grands ensembles religieux un ample choix de architectures, de sculptures, de tableaux, de grands vases, etc. Tous ces monuments étaient généralement dédiés à la divinité par des villes, des rois, des citoyens, etc. en remerciement d’une faveur reçue ou en prévision d’une difficulté à venir, pour commémorer une victoire militaire ou souvent simplement sportive. Exposées en plein air, dans un temple ou sous un portique, souvent accompagnées d’une inscription explicative, ces œuvres étaient offertes à la vue de tout le monde et contribuaient ainsi à la formation « culturelle » et « esthétique » des pèlerins et des simples touristes.
Il existait même des guides très érudits, qui conseillaient les visiteurs et leur présentaient les lieux et les vestiges à voir dans telle ou telle région en décrivant de façon minutieuse les œuvres, leurs noms, le nom des sculpteurs ou des architectes, etc. Le plus célèbre parmi ces textes arrivés jusqu’à nous est certainement la Description de la Grèce que Pausanias, un écrivain du IIe siècle de notre ère, a élaboré après ses voyages et qui, encore aujourd’hui, constitue un témoignage direct très important pour les archéologues classiques.
*(TURCAN R., L’archéologie dans l’Antiquité. Tourisme, lucre et découvertes, Les Belles Lettres, Paris, 2014)
Brenno Bottini